Cauchemar au pique-nique...
Ames sensibles s'abstenir... Imaginez vous, joyeux pique-niqueurs, installés confortablement sur une couverture dans un coin de verdure, petite prairie bordée de conifères (des sapins pour les incultes !)... Chips et boissons sucrées à volonté, et un soleil éclatant pour cette merveilleuse journée. Tout est réuni pour passer un moment tel qu'on en a toujours rêvé. Soudain, une petite tâche furtive passe dans votre champ de vision... Votre cœur commence à battre la chamade. Vous tournez lentement les yeux pour donner suite à votre pressentiment... Et vous bondissez en hurlant et en agitant les bras tel un orang-outan enragé !
Une guèpe, une vraie !
Le monstre en question, vous l'aurez peut-être déjà imaginé : pas plus grand qu'un ongle, des ailes, un corps zébré de jaune et noir... Une guêpe ! Une guêpe menaçante avec son dard mortel (on ne sait jamais, si vous êtes allergique !). Et c'est tout de suite branle-bas de combat, on prend le saucisson et on essaie de taper sur la tête de la pauvre bête, quitte à assommer les gosses tout aussi effrayés. De l'autre côté de la couverture, le fils amoureux de la nature est mort de rire. Et l'appareil photo en main, il prend des souvenirs mémorables de la scène. Ha, si ses parents l'écoutaient un peu plus souvent, ils ne se ridiculiseraient pas autant !
Le monstre en question est en fait 100% inoffensif. Et au lien d’une méchante gué-guêpe (qui, soit dit en passant, n’a aucune raison d’attaquer si elle ne se sent pas menacée), c’est un syrphe que ces trouillards essaient de matraquer ! En fait, c’est plutôt une bonne chose pour le syrphe. Ha bon ? Les syrphes aiment se faire écrabouiller à coups de saucisson ? Non, bien sur. Mais le syrphe est un petit malin, et la réaction des parents indique que sa ruse fonctionne bien.
Les guêpes piquent quand elles se sentent menacées. Nombre d’animaux ont déjà tenté l’expérience et la plupart se méfient d’elles. Autrement dit, les guêpes inspirent la peur et s’en trouvent protégées ! Les syrphes, en revanches, sont inoffensifs. Ils ont donc adopté un autre moyen de défense, que l’on nomme mimétisme batésien (selon la théorie d’Henry Walter Bates). Les nombreux animaux qui utilisent cette techniques revêtent l’apparence et parfois le comportement d’aurtres espèces mieux pourvues en défenses. On trouve par exemple des serpents inoffensifs qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à des serpents venimeux, ou des papillons normaux qui copient les couleurs chatoyantes de papillons toxiques.
Ce type de défense fonctionne, bien sur, sans la volonté de l’animal. Un syrphe ne sais probablement pas qu’il ressemble à une guêpe, et n’a rien fait pour. C’est la sélection naturelle qui a choisit cette couleur. Il y a fort longtemps, des animaux se sont colorés comme les guêpes (on dit que les guêpes existaient déjà pour simplifier, mais c’est plus compliqué que ça). Bref, par le hasard, au gré de mutations génétiques aléatoires, la couleur est apparue. Et ces animaux se sont fait moins manger que ceux qui n’étaient pas colorés pareil ! Donc ils se sont plus reproduits ! Et petit à petit, les autres, non colorés, ont disparu et l’espèce s’est trouvée constituée d’individus uniquement zébrés. Et ça marche avec des animaux qui ne sont pas forcément proches !
Si on regarde de plus près les guêpes, on compte deux paires d’ailes et une tête qui ressemble fortement à celle des fourmis ou des abeilles… Et pour cause, les guêpes, comme ces dernières, sont des hyménoptères. En revanche, chez les syrphes, on remarque tout de suite qu’il n’y a qu’une paire d’aile, et des yeux très particuliers : ils occupent toute la tête ! Et oui, le monstre du pique-nique n’est en fait qu’un malheureux petit diptère, autrement dit… une mouche !